Quelle place pour les femmes dans l’IT ?
Interview
Mon parcours n’est pas un objectif en soit. En voyant mon évolution, on peut très bien se dire « c’est une exception, je ne vais pas y arriver ; tout le monde ne passe pas de stagiaire à directrice de pôle ». On n’a pas tous envie de finir leader ou grand chef non plus. Parfois ce qu’on veut faire c’est être ingénieure, faire de la technique -point- (et c’est ok !). Ce qu’il faut avant tout, c’est être passionnée et aimer ce qu’on fait. Peu importe si c’est encore un milieu d’hommes, si je veux être ingénieure, je dois me donner les moyens de le devenir.
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Il faudrait changer l’image qu’on a du geek derrière son PC en faisant un focus sur les domaines d’application de notre métier ce qui pourrait le rendre plus réel et accessible.
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Projetons-nous au tout début, à l’orée de ta carrière. Tu as fait le choix de t’orienter vers des études dans IT. A l’époque, as-tu senti que cette décision pouvait être en décalage avec d’autres jeunes femmes de ton âge ?
Je suis tombée dans l’IT par hasard. Je faisais des études scientifiques au lycée, j’adorais la physique et l’électronique. Lorsque j’ai dû m’orienter en études supérieures, j’ai cherché tous les IUT de France qui proposaient ces deux axes et suis tombée sur un IUT réseau et Télécom.
A l’époque j’avais l’impression que je pouvais faire ce que je voulais. J’avais des copines qui voulaient être médecins, infirmières ou comptable et moi je voulais être ingénieure ; c’était mon envie. Finalement je ne connaissais pas vraiment le monde des réseaux, je n’avais donc pas d’aprioris et c’est peut-être pour ça que ça a marché. En aucun cas, je ne me suis empêchée de faire de l’IT « parce qu’il y avait beaucoup d’hommes » dans ce secteur. Nous étions trois filles dans ma promotion et ça se passait très bien, on était complètement intégré.
Aujourd’hui, le constat est malheureusement le même : la proportion de femmes dans le monde de la tech atteint péniblement les 17% en France. Selon toi, comment pouvons-nous expliquer une telle disparité ?
Je pense qu’inconsciemment, on a tous cette image des métiers de l’IT réservés aux « geeks en sweat à capuche, enfermés seuls toute la journée derrière l’ordinateur ». Je peux comprendre qu’en tant que femme cela puisse rebuter, et c’est dommage puisque cette image est très éloignée de la réalité. Dans mon cas je rencontre des gens, des collègues, je vais chez les clients etc.
Notre métier n’est pas réellement visible, on est un peu « les hommes et les femmes de l’ombre. » Quand on dit qu’on travaille dans l’IT on ne comprend pas forcément ce qu’on fait. Parfois les femmes préfèrent être dans le concret et apporter de la valeur. Dans notre métier on ne le voit peut-être pas directement.
Idem pour les « pubs IT » on voit plutôt des hommes, et on ne met pas forcément en avant les femmes qui finalement, ne se retrouvent pas dans nos métiers.
Faire ses études dans un milieu masculin est une chose, être propulsé dans le monde de l’entreprise en est une autre. En 2011, tu décides de nous rejoindre en tant que stagiaire. Comment as-tu appréhendé ces premiers moments avec tes collègues ?
Quand je suis arrivée en stage, je savais qu’il n’y avait pas beaucoup de femmes, et pourtant je n’ai pas senti de différence de traitement. J’ai été tout de suite intégrée et accompagnée par mes collègues. Ils étaient disponibles, répondaient à mes questions… je n’ai pas senti de sexisme, on était sur le même pied d’égalité.
Bien au-delà du secteur, la place des femmes et leur évolution est encore un problème en 2023 dans certaines sociétés. Stagiaire, ingénieure consultante, team leader, puis manager… Tu as pour ta part, traversé de nombreuses strat au cours de ta carrière, jusqu’à devenir aujourd’hui directrice du pôle Lyonnais. Quel regard portes-tu sur l’évolution chez CNS ?
En rejoignant CNS, j’ai trouvé un environnement bienveillant centré sur la transmission, le partage et l’accompagnement, permettant de monter en compétences qu’importe le sexe.
Je me suis toujours sentie à ma place et légitime dans mes choix et prises de position donc je dirai que c’est à la fois grâce à mes compétences, à la confiance qu’on m’a accordée mais aussi aux opportunités qui se sont présentées à moi que j’ai pu évoluer de cette manière.
A chacun de mes retours de congés maternité, mes managers n’ont pas eu d’aprioris. Ils prenaient le temps de me remettre dans le contexte et me redonnaient tout de suite les rennes de mon activité. Cela n’a jamais été une pénalité que ce soit en termes d’évolution de poste ou salariale, et ça c’est très important pour la confiance en soi aussi.
Finalement, ton témoignage semble nous montrer que ce sujet est un « non-sujet » chez CNS. Pourtant ne penses-tu pas que nous avons un rôle d’une plus grande ampleur à jouer ?
Nous intervenons déjà dans les écoles supérieures pour parler de l’IT et de nos métiers, mais je pense que le problème se trouve finalement bien en amont. Nous pourrions commencer à intervenir dans les collèges et lycées pour parler de notre métier sans forcément le genrer. Je pense aussi qu’on devrait faire des focus sur nos consultantes en les mettant en lumière plus régulièrement qu’à l’occasion de la Journée des droits de la Femme. Elles font un travail énorme, il faut le montrer !
Enfin je pense qu’il faudrait changer l’image qu’on a du geek derrière son PC en faisant un focus sur les domaines d’application de notre métier ce qui pourrait le rendre plus réel et accessible.